26/09/2025
Djaffar Ouahioune (1957–1997) : Un homme de conviction, militant de la cause berbère et enseignant engagé
Exergue:
« Un peuple qui renie sa culture est un arbre sans racines. »
- Mouloud Mammeri
Introduction
Dans l’histoire contemporaine de la Kabylie, nombreux sont ceux qui ont consacré leur vie à la défense de la dignité, de la culture et de la liberté. Parmi eux, Djaffar Ouahioune occupe une place particulière. Enseignant dévoué, militant du Mouvement Culturel Berbère et homme de cœur, il a porté, jusqu’au sacrifice ultime, les valeurs de courage et de fidélité à son peuple. Son parcours, à la fois humble et exceptionnel, mérite d’être transmis comme un héritage vivant aux générations futures.
Enfance et scolarité
Fils de Bélaïd et Dehbia, Djaffar Ouahioune naît le 14 avril 1957 au village de Tassaft Ouguemoun, dans la daïra d’Ath Yenni (Beni-Yenni), wilaya de Tizi-Ouzou. Issu d’une famille modeste, il perd son père alors qu’il n’a que trois mois.
Malgré cette épreuve, son enfance se déroule dans une atmosphère familiale chaleureuse et stable auprès de ses trois sœurs et de ses deux frères.
Il effectue sa scolarité primaire dans son village natal (1963–1970), avant de rejoindre l’école secondaire privée des Pères blancs d’Ath Yenni. En 1974, il quitte pour la première fois sa Kabylie natale afin de poursuivre ses études au lycée des Pères blancs du Mansourah à Constantine (actuel lycée Tarek Ibn Ziad). Soutenu moralement et matériellement par ses frères aînés, il surmonte de nombreuses difficultés financières. Le décès de sa mère en 1975 l’oblige à interrompre une année ses études, mais il reprend rapidement son parcours et obtient son baccalauréat en 1978.
Engagement universitaire et militantisme
De retour en Kabylie, il fait partie de la première promotion de l’université de Oued Aïssi à Tizi-Ouzou. Très vite, il s’illustre comme un étudiant cultivé, courageux et profondément engagé. Membre influent du Mouvement Culturel Berbère (MCB), il participe activement aux luttes identitaires et culturelles.
Il est l’un des organisateurs de la toute première manifestation du 11 mars 1980, au lendemain de l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri. Sa formule devenue célèbre résume l’esprit de l’époque :
- "Ass n 11 di meγres id n-sseγres".
Après le printemps berbère de 1980, il est arrêté et emprisonné pour la première fois avec son compagnon de lutte Hand Saâdi. Poursuivant son engagement intellectuel, il contribue à la fondation de la revue Tafsut, symbole d’une renaissance culturelle, ce qui lui vaut d’être de nouveau inquiété et perquisitionné par les autorités.
Parcours professionnel et vie sociale
Après son service national et un premier poste d’enseignement à Fouka, Djaffar Ouahioune revient dans son village natal pour enseigner les mathématiques au lycée d’Ath Yenni. Enseignant dévoué et apprécié, il se distingue également par sa générosité et son sens du service. Toujours prêt à aider, il n’hésite pas à mettre son véhicule à la disposition des œuvres charitables du village, parfois au détriment de ses propres besoins.
Résistance durant la décennie noire
Lors de la tragique décennie noire des années 1990, il s’engage dans le Groupe de Légitime Défense (GLD) de son village afin de protéger sa communauté face à la menace terroriste. Fidèle à ses valeurs de courage et de responsabilité, il choisit la résistance plutôt que la résignation.
Assassinat
Le 10 mai 1997, aux environs de 10h30, Djaffar Ouahioune est lâchement assassiné dans l’enceinte même du lycée d’Ath Yenni. Huit individus armés, certains vêtus d’uniformes de gendarmes et d’autres en treillis militaires, accompagnés d’un civil tenant un talkie-walkie, font irruption dans la salle 13 où il enseignait.
Ils abattent devant ses élèves l’enseignant et militant, ainsi que son ami et compagnon de lutte Kamel Aït-Hamouda, avant de prendre la fuite.
Conclusion – Hommage
Par sa vie et par sa mort, Djaffar Ouahioune incarne le destin d’une génération qui a payé de son sang son attachement à la liberté, à la justice et à la culture amazighe.
Son souvenir demeure vivant dans la mémoire collective de la Kabylie.
Il restera à jamais un symbole de courage, de générosité et de fidélité à la cause de son peuple.
Épigraphe :
« Si je meurs, je lègue à mes frères la haine de l’injustice. »
- Lounès Matoub
19:42 Publié dans Personnalités du village | Lien permanent | Commentaires (0)