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25/09/2025

Le parcours rituel du garçon kabyle : de la naissance au mariage

En Kabylie, la vie d’un garçon est jalonnée d’étapes symboliques qui rythment son intégration dans la communauté. De la naissance au mariage, chaque moment important est accompagné de gestes, de paroles et de rituels hérités, qui mêlent croyances ancestrales et références religieuses. Ces coutumes, transmises de génération en génération, ont longtemps structuré la vie sociale et familiale.

La naissance : accueillir la vie

À sa naissance, le garçon est considéré comme un don divin, porteur de bénédictions pour toute la famille. Dès ses premiers instants, un fragment du Coran est placé sous son oreiller, afin qu’il grandisse sous la protection divine. Pour le préserver des mauvais esprits et des influences néfastes, des gestes symboliques sont accomplis :

  • on place parfois un grain de sel, une graine de nigelle, un peigne ou une clé sous son berceau ;

  • une amulette (hamayl) contenant des versets coraniques est suspendue à son cou ou fixée à son oreiller.

Ces pratiques visent à assurer sa santé, sa force et son avenir.

La circoncision : l’entrée dans la communauté des hommes

La circoncision est l’un des moments les plus importants de la vie du jeune garçon. Elle se déroule souvent en été, lors des grandes vacances scolaires, afin de permettre la participation de la famille élargie et du village tout entier.

La veille, les femmes préparent pains, gâteaux et plats traditionnels. Le jour venu, l’enfant, habillé de neuf, est entouré de ses proches. On lui promet des cadeaux pour atténuer sa peur, tandis que les youyous des femmes résonnent dans la maison.

Après l’acte chirurgical, l’enfant est installé sur un coussin. On dépose dans sa main une orange, symbole de fertilité, et un peigne pour la prospérité. Toute la communauté vient le féliciter et lui offrir des présents. Par ce rite, il quitte le monde de l’enfance pour entrer dans celui des garçons destinés à devenir hommes.

Le Ramadhan : première initiation religieuse

Un autre jalon dans sa vie est l’observance du premier jeûne de Ramadhan. Généralement, le garçon commence par jeûner une demi-journée. Au moment de rompre le jeûne, il est l’objet d’une fête familiale : les femmes l’entourent, l’encouragent et lui offrent des gâteaux ou des friandises. Ce rite marque son entrée progressive dans la pratique religieuse et renforce son appartenance à la communauté des croyants.

L’adolescence : entre apprentissage et responsabilités

À l’adolescence, le garçon participe aux travaux des champs, à la garde des troupeaux, ou encore à des tâches communautaires comme le ramassage du bois. Il apprend auprès des anciens les valeurs fondamentales de courage, d’honneur et de solidarité.
Durant cette période, il acquiert également une plus grande autonomie et prépare son avenir en tant qu’homme et futur chef de famille.

Le mariage : l’accomplissement social

Le mariage constitue l’étape ultime de son parcours. Il ne s’agit pas seulement d’une union entre deux personnes, mais d’un contrat social engageant deux familles et, souvent, deux villages.

La demande en mariage

Traditionnellement, ce sont les parents qui choisissent l’épouse. La famille du garçon se rend chez celle de la jeune fille, apportant du café, du sucre et parfois un mouton. Après accord, on fixe la dot et les modalités de la fête.

Les fiançailles (akwan)

Elles sont marquées par l’échange de présents : habits, bijoux, gâteaux. La fiancée reçoit un anneau ou une bague, signe de l’engagement officiel.

La célébration

Le jour du mariage, le village entier participe. Les femmes préparent un couscous en abondance, tandis que les hommes se chargent de l’animation : chants, danses et tirs de fusil accompagnent la fête.
La mariée est escortée de chez ses parents jusqu’à la maison de son époux. À son arrivée, elle franchit le seuil en posant son pied sur une pierre ou sur un pain, symbole de stabilité et d’abondance.

L’installation du couple

Le jeune marié, désormais chef de foyer, prend place dans la société adulte. Le mariage marque ainsi l’accomplissement de son parcours initiatique : d’enfant protégé par les rituels, il est devenu homme, responsable de sa famille et garant de la transmission des traditions.

Conclusion

En Kabylie, chaque étape de la vie d’un garçon était autrefois codifiée par un ensemble de rituels qui combinaient religion, croyances protectrices et valeurs communautaires. Ces coutumes, bien que parfois transformées par le temps, témoignent de l’importance accordée à l’éducation, à la protection et à l’intégration progressive de l’enfant dans la société.
À travers elles, la communauté veillait à ce que chaque individu trouve sa place, en harmonie avec ses semblables et avec l’ordre symbolique qui régissait le monde kabyle.


 Source : "Quelques Us et Coutumes de Kabylie". Recueil non publié de Youcef Aït-Mohand, Béjaïa, octobre 2011.