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07/08/2017

Le village kabyle: organisation, mœurs et traditions.

Youcef.jpgLe village kabyle, véritable république à lui tout seul, est subdivisé en quartiers appelés "Idhermane". "Adhroum" est formé de plusieurs familles issues le plus souvent du même arbre généalogique. "Adhroum" a à sa tête un responsable librement désigné appelé "Tamen". Les fonctions de "Tamen" et de "Amine" se méritent, et sont une lourde charge avant d’être un privilège. Les hommes choisis pour assurer ces responsabilités sont issus de familles honorables, assez aisées pour éviter toute tentation malveillante, et ne doivent souffrir d’aucun antécédent contraire à la morale et la bienséance. Les charges de l’Amine et du Tamen ne sont pas héréditaires. En cas de défaillance ou d’empêchement, l’Amine ou le Tamen sont immédiatement remplacés.

L’assemblée du village (Tajmaïte) se réunit et désigne parmi ses membres l’Amine. L’Amine et l’ensemble des Tamens constituent l’organe exécutif du village. L’Amine est responsable de la bonne marche du village. C’est lui qui représente sa communauté dans toutes les manifestations officielles et veille au respect des lois et du règlement intérieur du village (Quanoun). Le village n’a pas de police, les habitants guidés par leur dogmatique sens de l’honneur et le respect qu’ils vouent à la propriété d’autrui ("ayla meddene") s’auto-disciplinent naturellement. Les conflits qui naissent de temps en temps entre les habitants sont vite réglés par la Djemaa du quartier ou par le conseil du village.

Le tamen est responsable de la gestion de son quartier. Il veille au maintien de sa quiétude et à l’application des lois (Quanoun) votées par le village. Le tamen supervise tous les travaux d’intérêt général effectués à l’intérieur de son quartier (nettoyage des sources, nettoyage des cimetières, déneigement des chemins, etc.) Il veille à la sauvegarde des intérêts des familles dont il a la charge et agit en qualité de premier arbitre en cas de désaccord ou de conflit.

Le kabyle étant orgueilleux par nature, le Tamen essaie autant que possible d’éviter toute intervention du conseil du village dans les affaires internes de son quartier. Il lui arrive souvent de mettre la main à la poche pour payer une dépense ou régler une dette contestée par une des parties belligérantes. Pour le kabyle, préserver son "Ennif" (honneur, fierté) est le premier de tous les devoirs.

Le comité exécutif du village composé de l’Amine et des Temanes, se réunit pour mettre en application les décisions arrêtées lors de l’assemblée générale du village ("Anejmaa n’tadarth").

L’assemblée du village est composée de tous les hommes officiellement admis à la "Djemâa" (dès la puberté ou dès l’âge de dix huit ans selon les Aarches), sans autre condition. Malgré la présence obligatoire de tous les hommes à l’assemblée, la parole n’est souvent donnée qu’à ceux qui sont relativement aisés, propriétaires fonciers aux "Ikouffanes" débordant de blé et aux patriarches de familles riches en hommes et en commerces. Un pauvre paysan sans terre et sans hommes est souvent ignoré et, conscient de sa condition sociale, ose rarement demander la parole.

L’assemblée se réunit une fois par mois ou sur convocation de l’Amine. Dans les différentes assemblées du village, les femmes ne sont pas admises. Celles-ci ne s’en plaignent pas d’ailleurs et quand elles en parlent, elles disent toujours "Anejmâa guergazene" l’assemblée des hommes (la précision est significative).

La séance de l’Assemblée du village est ouverte et clôturée par la lecture de la "Fatiha" faite par l’imam. L’Amine prend la parole pour présenter l’ordre du jour et la donne ensuite aux Tamanes à tour de rôle puis s’en suit le débat général. Une fois les points prévus à l’ordre du jour épuisés et les décisions arrêtées à l’unanimité, la séance est levée par l’Amine. L’avis de l’imam du village est demandé seulement quand il s’agit de question de religion et de "Chariâa". Mais si les circonstances l’exigeaient, l’Assemblée ne se gênerait pas pour adapter les recommandations célestes au droit coutumier tel que, par exemple le droit à l’héritage des femmes mariées.

Au village, chaque quartier (quelque fois chaque famille) possède son propre cimetière, sa propre source, sa propre Djemâa et sa propre mosquée. Les habitants du village ne se retrouvent ensemble que lors événements importants (décès, thachemlith, assemblée générale, thiwizi, fêtes, zerda, thimechret ou visite chez les Saints gardiens du village.)

Enfin, l’Amine représente son village à la réunion de l’Aârch et rend compte des conclusions de ces réunions au comité du village.

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Source: "Quelques Us et Coutumes de Kabylie."

Recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND, Béjaia, Octobre 2011.

Commentaires

Bonjour Mr,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre texte concernant l'organisation du village Kabyle. Cependant, j'ai une contestation à faire concernant la lecture de la fatiha lors de Tajmaɛt. Dans mon village, on ne dispose même d'une mosqué (un choix du village pour préserver la partiularité laïque kabyle). Je ne pense pas que ce que vous avancer est généralisé. Merci de corriger ou nuancer vos déclarations.

Je vous remerci à l'occasion pour ce tarvail qui me semble nécessaire.

Fraternellement

Samir n iflissen n illil (lebḥar).

Écrit par : Samir | 19/10/2017

Cette description de l'organisation du village kabyle est spécifique à mon village et probablement à tous les villages de la région. Notre village disposait jusqu'aux années soixante-dix de deux mosquées : une par grand quartier. Le village dispose jusqu'à maintenant d'un logement de fonction pour l'Imam payé à l'époque par des cotisations des villageois.

La laïcité était aussi présente dans notre village : l'Imam n'intervenait dans la Djémaa que pour ouvrir une réunion et la clôturer par la fatiha. L'Imam était sollicité aussi pour des questions religieuses.

La laïcité n'est pas synonyme d'absence d’édifices religieux.

Écrit par : ali ait-mohand | 26/05/2018

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