Dédié à la mémoire de ma défunte mère, qui me raconta maintes fois ce conte empreint de sagesse.
Source : "Contes de mon village". Recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND, Béjaia, janvier 2011.
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Arrivé à un âge avancé, un homme connu pour sa grande sagacité décida enfin de prendre épouse. Le mariage se fit discrètement, sans tambour ni festin.
Dès le lendemain, sans attendre, il prit sa cognée, sa hache et sa scie, puis dit à sa jeune femme :
- Femme, l’hiver approche. Allons en forêt couper du bois. Tiens, prends cette corde et suis-moi.
La pauvre femme, surprise par cette demande singulière mais n’osant rien dire, suivit docilement son mari.
Arrivés au cœur de la forêt, l’homme choisit quelques vieux troncs recouverts de mousse et se mit à l’ouvrage. Il abattit, coupa et scia avec tant d’ardeur qu’à la fin de la journée, l’endroit était jonché de bûches éparpillées dans tous les sens.
Il se tourna alors vers son épouse et lui ordonna :
- Femme, à ton tour maintenant ! Ramasse ces bûches et fais-en un tas.
La femme obéit aussitôt. Elle ramassa chaque morceau, glana jusqu’à la moindre brindille, puis entassa le tout en un grand tas informe.
De retour à la maison, l’homme, très courroucé, congédia sur-le-champ son infortunée épouse. Après elle, il en épousa cinq autres femmes qui subirent toutes le même sort.
Puis vint la septième épouse.
À son tour, elle suivit son mari en forêt. L’homme coupa encore de grosses bûches et les laissa éparpillées à terre. Mais cette fois-ci, la femme ne ramassa que les grosses pièces, dédaignant les petites brindilles. Elle en fit un tas solide, régulier et bien ordonné.
Intrigué, l’homme lui demanda :
- Femme, pourquoi n’as-tu ramassé que les grosses bûches ? Que comptes-tu faire des petites ?
Et la femme répondit avec assurance :
- Mon père m’a toujours enseigné ceci : "Ma fille, dans la vie, ne perds pas ton temps avec les futilités. Attache-toi à l’essentiel, prends soin des choses qui comptent vraiment, et les petites préoccupations passeront d’elles-mêmes."
- C’est ce conseil que j’ai appliqué aujourd’hui. Voilà pourquoi je n’ai ramassé que les grosses bûches.
Satisfait, l’homme déclara :
- Femme, ton père est un sage. Avant toi, j’ai épousé six femmes, mais aucune n’a su faire la part des choses. Toutes ont ramassé pêle-mêle grosses et petites bûches, accordant la même importance à ce qui ne se valait pas. C’est pour cela que je les ai répudiées.
Oui, dans la vie, il ne faut pas s’encombrer de détails insignifiants au détriment des grandes choses. Il en va des objets comme des hommes : chacun doit être jugé à sa juste valeur, selon son mérite. Comme dit le proverbe :
- "Koul yiwen f’kas el kariss. Thasridjth ouaawdh iw mouhal ataddou f’ghyoul". (Chacun doit être jugé à sa juste valeur. La selle du cheval n’ira jamais sur le dos d’un âne.)
21:58 Publié dans Contes de mon village | Lien permanent | Commentaires (0)
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