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28/09/2025

Abdellah Mohia (1950–2004) : poète, dramaturge et traducteur de l’universel en kabyle

Abdellah Mohia, plus connu sous le nom de Mohya (ou Muhya, Muhend u Yehya), occupe une place centrale dans la littérature et le théâtre d’expression kabyle contemporaine. Né le 1er novembre 1950 au village d’Ath-Eurvah, commune d’Ath-Vudrar (Ath Yenni), il a marqué l’histoire culturelle amazighe par une œuvre multiple : poésie, contes, traductions et adaptations théâtrales. Décédé à Paris en 2004, il laisse un héritage qui continue d’inspirer les chercheurs et les artistes.

Parcours et formation

Après un baccalauréat obtenu en 1968, Mohya entreprend des études en mathématiques à Alger, puis à Paris. Très tôt, il s’oriente vers le militantisme culturel et rejoint dans les années 1970 le Groupe d’Études Berbères de l’Université Paris VIII, sous la direction de Mouloud Mammeri (Chaker, 1989). Il contribue aux revues Bulletin d’Études Berbères et Tisuraf, et fonde plus tard la troupe Asalu, espace de création et d’adaptation théâtrale.

La poésie : entre lyrisme et revendication identitaire

Mohya s’illustre dès 1970 avec son poème Ayen bγiγ (Ce que je veux), présenté lors d’une excursion avec Mammeri. Popularisé par le groupe Imazighen Imoula, le texte devient un hymne identitaire (Haddadou, 2002). Ses poèmes, diffusés par des chanteurs tels que Ferhat, Idir, Takfarinas, Malika Domrane, sont autant de manifestes poétiques et politiques.

Contes et nouvelles

Dans les années 1980–1990, Mohya produit des récits oraux enregistrés sur cassettes audio : Tamacahut n Iqannan (L’histoire des nains), Tamacahut n Ileγman (L’histoire des chameaux), Wwet ! (Frappe donc !). Ces contes, souvent humoristiques et critiques, actualisent le patrimoine oral kabyle dans une perspective contemporaine (Boukous, 2010).

Le théâtre : traduire l’universel en kabyle

L’apport le plus significatif de Mohya demeure sans doute son travail théâtral. À travers Asalu, il adapte plus d’une vingtaine de pièces, dont En attendant Godot (Beckett), Tartuffe (Molière), La Jarre (Pirandello) ou Les Émigrés (Mrożek). Selon Chaker (2008), ces traductions « ne sont pas de simples transpositions linguistiques, mais de véritables récréations enracinées dans le vécu kabyle ». Mohya démontre que le kabyle peut être une langue de théâtre, de critique sociale et de philosophie.

« Si l’on veut être compris de la majorité, on ne peut que s’exprimer dans nos langues vernaculaires, c’est-à-dire le berbère ou l’arabe. » — Mohya

Héritage et postérité

Mohya reste une figure fondatrice de la modernité littéraire kabyle. Son œuvre illustre l’idée que « défendre une langue, c’est défendre une mémoire collective et une vision du monde » (Aït Ahmed, 2009). Aujourd’hui, ses textes, ses enregistrements et ses adaptations continuent d’être étudiés et joués, attestant de leur vitalité et de leur universalité.


Références (sélection)

  • Aït Ahmed A. Culture et résistance en Kabylie. Alger : Barzakh, 2009.

  • Boukous A. Langue et culture amazighes : permanence et mutations. Rabat : IRCAM, 2010.

  • Chaker S. Textes berbères : écriture et oralité. Paris : L’Harmattan, 1989.

  • Chaker S. « Mohya et la dramaturgie kabyle contemporaine », Awal, 2008, n° 36, p. 55-72.

  • Haddadou M. Anthologie de la poésie berbère. Alger : ENAG, 2002.

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