28/09/2025
Anecdote de mon village : L’histoire de Abdenour et du mouton de sa tante
Cette anecdote m’a été racontée par ma mère. Comme beaucoup d’histoires du village, elle porte en elle une leçon de vie et un souvenir des temps difficiles.
Abdenour n’était encore qu’un adolescent lorsqu’il perdit son père. Aîné de la fratrie, il dut malgré son jeune âge endosser le rôle de chef de famille, veillant sur sa mère, ses deux frères et ses deux sœurs. C’était le temps de la révolution, des années de misère où chaque famille comptait ses membres et ses bêtes.
Un jour, sa tante Dehbia, la femme de son oncle, lui confia une mission : mener un mouton au marché de Larvaa des Ouacifs pour le vendre. Elle n’avait pas grande estime pour lui, et comme l’animal était malade, elle préféra s’en séparer rapidement, de peur de le perdre.
Abdenour prit donc la route, le bâton à la main, suivi du mouton qui avançait difficilement sur le chemin caillouteux. Mais à mi-chemin, l’animal, trop faible, s’écroula et rendit l’âme.
Dans de telles circonstances, beaucoup auraient tourné le dos et abandonné la carcasse aux chacals. Mais Abdenour, lui, refusa d’abandonner l’animal. Il savait que sa tante, déjà méfiante, ne le croirait jamais s’il rentrait les mains vides. Alors, rassemblant tout son courage, il hissa le mouton mort sur ses épaules encore frêles et rebroussa chemin.
La montée vers le village fut pénible. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent, mais il persista, décidé à rapporter une preuve incontestable. Lorsqu’il arriva enfin et déposa le mouton devant sa tante, les villageois, témoins de son effort, s’étonnèrent. Certains lui demandèrent pourquoi il ne s’était pas contenté de laisser la carcasse sur place.
Sa réponse, brève mais pleine de sens, fit taire toute remarque :
- "Ma tante ne m’aurait jamais cru. J’étais obligé de ramener le mouton comme preuve de sa mort."
Cette anecdote illustre à la fois la rigueur morale de Abdenour et le poids de la méfiance qu’il devait affronter. Dans l’Algérie de ces années difficiles, sa détermination et son sens du devoir donnaient déjà la mesure de l’homme qu’il deviendrait.
19:39 Publié dans Anecdotes de mon village | Lien permanent | Commentaires (0)
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