26/12/2025
Rabah, mon cousin ou la présence silencieuse
Rabah est parti en novembre 2022. Depuis, son absence s’est installée dans les vies de ceux qui l’ont connu, avec la discrétion qui le caractérisait. On ne l’entend plus arriver, mais on continue à sentir ce qu’il a laissé derrière lui.
Il était le fils cadet de ma tante Tassadite, que tous appelaient affectueusement Na Sassa. Pour elle, Rabah occupait une place particulière, surtout après le départ du fils aîné vers Alger. Il était la présence rassurante, la fierté silencieuse, celui sur qui l’on pouvait compter sans avoir à le dire. Lorsqu’elle est partie en 2011, Rabah a porté cette perte sans plainte, avec une fidélité qui n’avait pas besoin de mots.
Né en Kabylie, il avait gardé de son village le goût de la simplicité et le sens du devoir. La vie l’a conduit à Constantine, puis à Sétif, enfin à Batna. Dans ces villes, il a travaillé sérieusement, sans chercher à se faire remarquer. Il laissait partout l’image d’un homme appliqué, respecté, profondément humain.
Il vivait entouré de ses sœurs, et surtout de l’aînée, Ouerdia, que l’on appelait affectueusement Tati, et de son mari Da-Mouhadj. Tous deux ne sont plus là aujourd’hui. Entre eux, les relations étaient faites de respect et de confiance. On se comprenait sans s’expliquer. Chacun connaissait sa place.
Rabah était mon aîné, de plusieurs années, et cela se sentait naturellement. Pendant mes années d’études à Constantine, il veillait à sa manière. Il observait, corrigeait parfois, conseillait souvent, sans jamais imposer.
Je l’accompagnais dans ses bricolages, souvent maladroits, souvent infructueux, mais toujours pleins d’humour et de rire, de patience et d’attention. Ces moments simples, banals aux yeux des autres, étaient pour moi des leçons de vie, d’humilité et de complicité. Il m’appelait, durant ces instants, par le sobriquet d’"Apprenti", en souriant, en référence à l’Inspecteur Tahar et à son Apprenti. Lui était l’inspecteur : attentif, méthodique, persévérant. Il recommençait, réfléchissait, prenait son temps. Sans le savoir, il enseignait la patience et le respect des choses modestes.
Rabah fut le premier médecin de la famille. Il a ouvert la voie sans jamais en faire un mérite. D’autres ont suivi, naturellement. Pour lui, la médecine n’était pas une réussite personnelle, mais une responsabilité. Il soignait avec sérieux et parlait aux plus jeunes avec bienveillance.
La générosité faisait partie de son quotidien, sans jamais être mise en avant. Lors de mon premier séjour à Paris, il mit à ma disposition son studio à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges qu’il gardait encore après son retour et facilita l’aide de son ami Djelloul L. Il n’en parla jamais ensuite. C’était ainsi qu’il agissait.
La chasse et la pêche occupaient ses moments de repos. Elles lui permettaient de s’éloigner du bruit et des obligations. Un week-end à Sétif, après mon déplacement depuis Constantine pour assister à un match très attendu entre la JS Kabylie et l’Entente de Sétif, Rabah me proposa plutôt une sortie au barrage de Kherrata pour pêcher. Par respect, il était impossible de dire non. Le stade fut oublié. Les poissons ne vinrent pas. Mais la journée fut pleine : l’eau calme, le ciel ouvert, le temps étiré. Cela lui suffisait.
Rabah était estimé de tous. Il n’a jamais cherché à s’imposer. Il avançait droit, avec sérieux et bonté. Aujourd’hui, il n’est plus là, mais il reste présent dans ce qu’il a transmis et dans la mémoire de ceux qui l’ont connu.
Il demeure dans les montagnes de Kabylie, dans les rues de Constantine, de Sétif et de Batna, et jusque dans certains couloirs de Paris. Il continue d’y marcher, tel qu’il a vécu : simplement, dignement.
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Ali AIT-MOHAND, Béjaia le 26-12-2025
16:47 Publié dans Famille, Proches et parents | Lien permanent | Commentaires (0)

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