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25/09/2025

Le village kabyle : organisation, mœurs et traditions

L’organisation politique et sociale de la Kabylie n’a rien à envier aux grandes traditions démocratiques. Depuis des siècles, cette région s’est dotée de structures collectives capables de répondre aux différentes nécessités de la vie en société. Décentralisée dans son mode de gestion, elle s’est forgée des outils performants pour assurer la cohésion et l’équilibre de la communauté. Ces outils reposent sur trois niveaux hiérarchiques : la confédération (Thaqvilte), la tribu (Lâarch) et le village (Thadarth). La confédération regroupe plusieurs tribus, la tribu rassemble un ensemble de villages (Thoudar), et chaque village se subdivise en quartiers (Adhroum ou Idhermam).

Richesses et principes fondamentaux

Si d’une tribu à l’autre certaines pratiques diffèrent – qu’il s’agisse de l’art de tisser le burnous, de broder les foulards ou de célébrer une fête – ces nuances n’altèrent pas l’unité d’ensemble. Au contraire, elles constituent une richesse culturelle qui renforce l’identité kabyle.
Les principes fondamentaux sur lesquels repose la société kabyle sont élevés au rang de dogmes :

  • Ennif (l’honneur et la dignité),

  • Thirougza (la solidarité et l’entraide),

  • Thaqvaylith (l’appartenance collective et l’esprit communautaire).

Pour préserver sa fierté et son indépendance, le Kabyle s’est choisi une devise sans équivoque : "Anerez wala aneknou" (Plutôt rompre que se plier).

Le village : une république miniature

Véritable république, le village kabyle est divisé en quartiers (Idhermam), eux-mêmes composés de plusieurs familles généralement issues d’un même lignage. Chaque quartier est placé sous la responsabilité d’un Tamen, désigné par ses pairs pour son honorabilité, sa probité et son aisance matérielle, conditions qui permettent d’éviter toute tentation de corruption. Ses fonctions, comme celles de l’Amine du village, ne sont pas héréditaires et peuvent être retirées à tout moment en cas de manquement.

Le rôle du Tamen et de l’Amine

  • Le Tamen administre son quartier, veille à la paix, applique les lois coutumières (Quanoun) et supervise les travaux collectifs (entretien des sources, cimetières, chemins, déneigement). Il agit en arbitre dans les conflits internes et, pour sauvegarder l’honneur (Ennif) de son quartier, n’hésite pas à prendre en charge certaines dépenses pour éviter l’ingérence du conseil du village.

  • L’Amine, choisi par l’assemblée générale du village (Tajmaït), est responsable de la gestion globale de la communauté. Il représente le village lors des manifestations officielles et rend compte à la tribu (Lâarch). Avec les Tamens, il forme le comité exécutif chargé d’appliquer les décisions collectives.

L’assemblée du village

L’assemblée (Anejmaa n’tadarth) constitue le cœur de la démocratie villageoise. Tous les hommes y sont admis à partir de la puberté ou de l’âge de dix-huit ans selon les tribus. Toutefois, en pratique, seuls les notables – propriétaires terriens, patriarches ou commerçants influents – s’expriment réellement. Les plus modestes, conscients de leur statut, interviennent rarement.

Les réunions se tiennent une fois par mois ou sur convocation de l’Amine. Les séances, exclusivement masculines, s’ouvrent et se clôturent par la lecture de la Fatiha. Après l’exposé de l’ordre du jour par l’Amine, la parole circule entre les Tamens puis entre les membres de l’assemblée. L’avis de l’imam est sollicité uniquement pour les questions religieuses. Cependant, la djemâa n’hésite pas à adapter la loi religieuse aux réalités coutumières, comme ce fut le cas lorsqu’elle supprima le droit à l’héritage des femmes mariées, source de nombreux conflits.

Vie communautaire et espaces collectifs

Chaque quartier, et parfois chaque famille, dispose de son propre cimetière, de sa source, de sa mosquée et de sa Djemâa. L’ensemble du village ne se retrouve qu’à l’occasion d’événements marquants : funérailles, fêtes religieuses (Thimechret), travaux collectifs (Thiwizi), banquets votifs (zerda), ou visites aux saints protecteurs.

Ainsi, le village kabyle apparaît comme une véritable école de citoyenneté, fondée sur l’honneur, la solidarité et l’autogestion. Cette organisation ancestrale a permis à la société kabyle de préserver son identité et de traverser les siècles en restant fidèle à sa devise : "Plutôt rompre que se plier".


Source : "Quelques Us et Coutumes de Kabylie". Recueil non publié de Youcef Aït-Mohand, Béjaïa, octobre 2011.

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