28/07/2017
Le village kabyle: organisation, mœurs et traditions.
L’organisation politique et sociale de La Kabylie n’a rien à envier aux grandes démocraties. La Kabylie s’est dotée d’une organisation capable de répondre à toutes les éventualités de la vie en société. Décentralisée dans sa gestion, elle s’est crée des outils performants pour mener à bien sa politique. Ces outils sont la confédération ("Thaqvilte"), la tribu ("Lâarch"), et le village ("Thadarth"). La confédération regroupe un certain nombre de tribus. La tribu est formée d’un ensemble de villages ("Thoudar") et en dernier, le village est subdivisé en quartiers. ("Adhroum", "Idhermam").
D’une tribu à une autre, on peut noter des nuances qui peuvent concerner certains actes de la vie. La façon de tisser le burnous, de broder les foulards, et celle dont sont célébrées certaines fêtes, etc. Ces petites différences loin de constituer des obstacles sont, au contraire, des richesses qui n’influent en rien sur la vision globale du kabyle quant aux grands principes qu’il considère comme fondements de sa particularité.Ces principes élevés en dogmes sont: "Ennif", "Thirougza" et "Thaqvaylith". Aussi, pour la sauvegarde de sa fierté et de son esprit légendaire d’indépendance, le kabyle s’est donnée pour devise une maxime tirée du terroir qui ne laisse aucune place aux tergiversations : "ANEREZ WALA ANEKNOU" (Plutôt rompre que plier). Tout est dit !
Le village kabyle, véritable république, est subdivisé en quartiers appelés "Idhermam". "Adhroum" est formé de plusieurs familles issues le plus souvent du même arbre généalogique. "Adhroum" est dirigé par un responsable librement désigné appelé "Tamen". Les fonctions du "Tamen" et de l’ « Amine » se méritent, et sont une lourde charge avant d’être un privilège. Les hommes choisis pour assurer ces responsabilités sont issus de familles honorables, assez aisées pour éviter toute tentation malveillante, et ne doivent souffrir d’aucun antécédent contraire à la morale et la bienséance. Les charges de l’Amine et du Tamen ne sont pas héréditaires. En cas de défaillance ou d’empêchement, l’amine ou le tamen sont immédiatement remplacés.
L’assemblée du village (Tajmaïte) se réunit et désigne parmi ses membres l’Amine. L’Amine et l’ensemble des Tamenes constituent l’organe exécutif du village. L’Amine est responsable de la bonne marche du village. C’est lui qui représente sa communauté dans toutes les manifestations officielles et veille au respect des lois et du règlement intérieur du village ("Quanoun"). Le village n’a pas de police. Les habitants guidés par leur dogmatique sens de l’honneur et le respect qu’ils vouent à la propriété d’autrui ("Ayla Meddene") s’auto-disciplinent naturellement. Les conflits qui naissent, de temps en temps, entre les habitants sont vite réglés par la "Djemaa" du quartier ou par le conseil du village.
Le tamen est responsable de la gestion de son quartier. Il veille au maintien de sa quiétude et à l’application des lois ("Quanoun") votées par le village. Le "Tamen" supervise tous les travaux d’intérêt général effectués à l’intérieur de son quartier (nettoyage des sources, nettoyage des cimetières, déneigement des chemins, etc.) Il veille à la sauvegarde des intérêts des familles dont il a la charge et agit en qualité de premier arbitre en cas de désaccord ou de conflit.
Le kabyle étant orgueilleux par nature, le "Tamen" essaie autant que possible d’éviter toute immixtion du conseil du village dans les affaires internes de son quartier. Il lui arrive souvent de mettre la main à la poche pour payer une dépense ou régler une dette contestée par une des parties belligérantes. Pour le kabyle, préserver son « Ennif » (honneur, fierté) est le premier de tous les devoirs.
Le comité exécutif du village composé de l’Amine et des Temanes, se réunit pour mettre en application les décisions arrêtées lors de l’assemblée générale du village (Anejmaa n’tadarth).
L’Assemblée du village est composée de tous les hommes officiellement admis à la djemâa (dès la puberté ou dès l’âge de dix huit ans selon les Aarches), sans aucune autre condition. Il est utile de signaler cependant, que malgré la présence obligatoire de tous les hommes à l’assemblée, la parole n’est donnée qu’à ceux qui sont relativement aisés, propriétaires fonciers aux ikouffane débordant de blé et aux patriarches de familles riches en hommes et en commerces. Un pauvre paysan, sans terre et sans hommes, est souvent ignoré et, conscient de sa condition sociale, ose rarement à demander la parole.
L’assemblée se réunit une fois par mois ou sur convocation de l’Amine. Dans les différentes assemblées du village, les femmes ne sont pas admises. Celles-ci ne s’en plaignent pas d’ailleurs et quand elles en parlent, elles disent toujours "Anejmâa gu’ergazene" l’assemblée des hommes (la précision est significative).
La séance de l’Assemblée du village est ouverte et clôturée par la lecture de la "Fatiha" faite par l’imam. L’Amine prend la parole pour présenter l’ordre du jour et la donne ensuite aux "Tamanes" à tour de rôle puis s’en suit le débat général. Une fois les points prévus à l’ordre du jour épuisés et les décisions arrêtées, la séance est levée par l’Amine. L’avis de l’imam est demandé seulement quand il s’agit de question de religion et de "Chariâa". Mais si les circonstances l’exigeaient, l’assemblée ne se gênerait pas pour adapter les recommandations célestes au droit coutumier tel par exemple le droit à l’héritage des femmes mariées qui fut supprimé parce qu’il était à l’origine de plusieurs conflits.
Au village, chaque quartier (dés fois chaque famille) possède son propre cimetière, sa propre source, sa propre "Djemâa" et sa propre mosquée. Les habitants du village ne se retrouvent ensemble que lors d’évènements importants (décès, thachemlith, assemblée générale, thiwizi, fêtes, zerda, thimechret ou visite chez les Saints gardiens du village.)
Enfin, l’Amine représente son village à la réunion de "l’Aârch" et rend compte des conclusions de ces réunions au comité du village.
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Source: "Quelques Us et Coutumes de Kabylie."
Recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND, Béjaia, Octobre 2011.
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