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07/08/2017

Le test des bûches ou la part des choses. Un conte de mon village

Arrivé à un certain âge, un homme dont la sagacité était reconnue partout au village décida enfin de prendre épouse. Il se maria donc discrètement sans tambour ni couscous. Le lendemain du mariage, sans attendre, il prit sa cognée, sa hache et sa scie et dit à sa femme:

- Femme aujourd'hui, nous allons en forêt chercher du bois,c'est bientôt l'hiver! Tiens prends cette corde et suis- moi !

La pauvre femme, sans rien comprendre et ne pouvant faire autrement, suivit docilement son mari. Arrivés au milieu de la forêt, l’homme choisit quelques vieux troncs tous couverts de mousse et se mit au travail. Il cogna, coupa, scia si bien qu'à la fin de la journée l'endroit était jonché de bûches éparpillées un peu partout.

- Femme, à ton tour maintenant de ramasser ces bûches! lui dit son mari.

La femme ramassa tout le bois coupé, glana jusqu'à la moindre brindille et en fit un grand tas. De retour à la maison, l’homme très courroucé, congédia sur le champ son infortunée épouse. Après elle, il en épousa cinq autres femmes qui subirent toutes le même sort.

Arriva la septième épouse :

Soumise par son mari à la même corvée de ramassage de bûches, elle ne prit que les grosses délaissant dédaigneusement toutes les autres et fit un tas aux formes régulières.
Visiblement satisfait, l’homme dit à sa femme :
- Femme, pourquoi ne ramasses-tu que les grosses bûches? Et les petites qu'en feras- tu?
- Homme, je ne ramasse que les grosses bûches parce-que mon père m'a toujours conseillé et dit:" Ma fille, dans la vie il ne faut jamais laisser trainer les choses importantes et n'accorde qu'un intérêt relatif aux autres de moindre importance. Éloignes-toi des futilités qui ne peuvent qu'empoisonner ton existence!" C'est cette leçon que j'ai reçue de mon père que je viens d'appliquer ici. C’est pour cela que je n'ai pas ramassé les petites brindilles !
- Femme, ton père est un sage et je suis très heureux de t'avoir comme épouse. Avant toi, j'en ai épousé six et aucune d'elle n'a fait la part des choses. Elles ont ramassé toutes les bûches et les ont entassées pèle mêle,dans le désordre, sans tenir compte de leur ordre de grandeur. Elles ont toutes porté le même jugement sur des choses qui n'étaient pas identiques et c'est à cause de cela que je les ai toutes répudiées.
Oui dans la vie, il ne faut pas s'encombrer de petits détails au détriment des choses plus importantes et c'est valable aussi pour les hommes. Il faut considérer chacun selon sa valeur, chacun selon son mérite: "KOUL YIWENE FKAS EL KARISS". "THASRIDJTH OUAAWDHIW MOUHAL ATADDOU F'GHYOUL" (Chacun doit être jugé à sa juste valeur. La selle du cheval n'ira jamais sur le dos d’un âne).
(Dédiée à la mémoire de ma défunte mère qui me raconta cette histoire plus d'une fois).

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Contes de mon village, recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND.

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