07/08/2017
Histoire du charbonnier ("Vouth-Mouline"). Un conte de mon village
inaperçues et les gens qui oublièrent jusqu'à son nom le surnommèrent "Vouth-Mouline" (l'homme à la suie).
Les années passèrent. A force de travail et de privations, la situation de notre charbonnier s'améliora peu à peu. Ses garçons devenus de magnifiques jeunes hommes réussirent à faire fortune dans le négoce et "Vouth-Mouline" désormais sorti de la misère devint "Lhadj-Mohand" aux "Ikouffanes" pleins d'orge et de blé.
Un jour, au cours d'une assemblée ordinaire du village, l'Amine remarqua miraculeusement l'absence de "Vouth-Mouline". Nous ne pouvons commencer notre réunion en l'absence de "Lhadj-Mohand" !
- Qu'on aille vite l'appeler! ordonna l'Amine.
"Lhadj-Mohand" arriva à la Djemââ, salua les présents, prit modestement place parmi l'assistance et la réunion put commencer. Quand arriva le moment des débats, l'Amine s'adressa à "Vouth-Mouline":
- "Lhadj-Mohand", ta présence illumine notre auguste assemblée. Nous serions fort honorés et heureux d'entendre ton avis sur cette question qui nous préoccupe au plus haut point"
"Vouth-Mouline" se leva, s'approcha de l'Amine et, souverainement ataraxique, lui dit:
- "Sobhane Allah? Ya l'Amine! Subitement, par miracle, tu te rappelles de moi et tu trouves aujourd'hui que j'ai un avis à donner! Seulement voilà, tu te trompes d'interlocuteur !"
Il tira de sa poche un petit sac et le vida aux pieds de l'Amine.
- " Tiens parles à ces grains de blé ! C'est à ce blé qu'il te faut demander l'avis et pas à moi ! Hier, quand j'étais dépourvu de ce blé, d'orge et d'argent, vous m'appeliez "Vouth-Mouline ! Hier, parce que j'étais pauvre, vous avez oublié jusqu'à mon nom.
"A vos réunions, vous ne m'invitiez jamais. Dans le village, j'étais superbement ignoré par tous. A présent que la fortune m'a sourit grâce à Dieu, à mon travail et à mes fils; que mon portefeuille est plein et que mes "Ikouffanes" débordent, je suis devenu fréquentable. Je suis devenu "Lhadj-Mohand" à qui l'Amine du haut de son piédestal demande son avis!"
"Pourtant, Honorable Assemblée, mon aspect n'a pas changé! Je suis toujours le marchand de charbon couvert de suie et je resterai fidèle à mon métier tant qu'il me reste encore des forces pour l'exercer !"
"Oui l'Amine, c'est vrai, j'étais pauvre, même très pauvre mais à la différence de vous, je n'ai jamais été misérable ! L'Amine, je vous laisse à vos palabres stériles, "Lhadj-Mohand" n'a pas de temps à vous consacrer, il a un chargement de charbon à livrer! Je vous laisse ces quelques grains de blé auxquels je suis sûr, vous accorderez toute votre attention. C'est dans vos habitudes!"
"Salam alikoum."
Sur ce, et à la stupéfaction générale, "Lhadj-Mohand" épousseta son burnous et quitta la Djemâa suivi du regard médusé de l'Amine.
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N.B./ Histoire dédiée à la mémoire de mon père, lui qui ne ratait pas une occasion pour me la raconter.
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Contes de mon village, recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND, Janvier 2011
13:45 Publié dans Contes de mon village | Lien permanent | Commentaires (0)
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