07/08/2017
Le décès et les funérailles dans mon village
- "El Hadj Mohand yabouddh laâfou Errebi svah agui!" (El Hadj Mohand est mort ce matin!)
- "Ath yerhem Rebbi! Ghass yassaweddh, Ouallah ar’dhargaz el âali!"
(Que le Bon Dieu lui accorde sa miséricorde. Il était un brave homme!)
La nouvelle comme une traînée de poudre arrive dans tous les foyers du village. L’aîné des garçons prend tout de suite la direction des opérations et charge un de ses frères pour faire les commissions nécessaires au dîner de la tombe "Imensi ouzekka" (achat d’un mouton vivant qui sera sacrifié pour l’âme du défunt, des légumes, des fruits et toutes les denrées qu’exige une telle cérémonie). Dès qu’arrive le frère avec toutes les commissions, on égorge le mouton et les femmes entrent en scène pour préparer le dîner.
S’agissant du décès d’un homme, le Tamen envoie dans chaque village où l’adhroum a des alliances ou des amitiés une délégation pour les informer de la date et de l’heure de l’enterrement. Dans certaines tribus comme la nôtre (Ath Wacif) quand il s’agit du décès d’une femme, il n’est pas fait appel aux alliances et relations nouées avec les autres villages des aârachs de la région. L’enterrement de la défunte est assuré uniquement par les hommes du village
Vers le milieu de l’après midi, les laveurs arrivent et procèdent à la toilette du corps. La dépouille revêtue du blanc linceul est déposée dans le brancard, (Enâache) la tête légèrement penchée vers l’Est.
Le soir, après la prière du Maghreb, tous les hommes du village affluent vers la maison de défunt pour présenter leurs condoléances. Chaque Adhroum désigne deux hommes qui participeront à la veillée funèbre puis l’Amine en accord avec le Tamen de l’Adhroum concerné, informe toute l’assistance de l’heure fixée pour le creusement de la tombe prévu le lendemain.
Après la dernière prière du soir, commence la veillée funèbre. On sert à dîner à tous les veilleurs, aux marabouts et à tous les présents puis on installe confortablement les marabouts et les khwans. Les autres veilleurs s’assoient comme ils peuvent. La cérémonie de la veillée funèbre est ouverte par la lecture d’un verset coranique faite par les marabouts, dès qu’ils achèvent leur lecture, ils sont relayés immédiatement par les khwans qui interprètent des chants du dikr et cela jusqu’à l’aube. A la prière d'El-fedjr, on accompagne les marabouts chez eux, tous les veilleurs quittent la maison du défunt et les femmes assurent la relève.
Très tôt dans la matinée, à l’heure fixée, les hommes du village, certains encore sous l’emprise du sommeil, arrivent par grappe au cimetière. L’Amine prend sa liste et commence à appeler les présents chacun par son nom et les absents non autorisés seront verbalisés. Au bout d’une heure de temps, la tombe est fin prête. Rendez – vous est pris pour l’enterrement prévu après la prière du Dohr.
Vers dix heures du matin, les délégations des villages voisins commencent à arriver. Elles sont reçues par l’Amine, le Tamene et les enfants du Défunt:
- "Elvaraka dhi laâmourn’wene a yimawlane"
- "Aourth’sâam aghilif"
La réputation de la famille ajoutée à celle intrinsèque de lhadj Mohand font que les délégations ont afflué de toutes les contrées et le village est plein comme un œuf. Jamais on a vu autant d’hommes: toutes les djemaas sont pleines, toutes les rues, et toutes les places.
Juste après la prière, les enfants du défunt visiblement abattus, soulèvent symboliquement le cercueil de leur père. Dès qu’ils franchissent le seuil qui mène vers la sortie, ils sont vite happés par tous ces hommes avides de "Hassana". Le cortège funèbre s’ébranle au rythme de la chahada déclamée par un groupe composé de "khwan" et de marabouts. A l’arrivée au cimetière, on dépose la dépouille sur le lieu de prière, puis tous les hommes pratiquants s’alignent pieusement derrière l’Imam et procèdent à la prière du mort. (La prière se pratique debout sans génuflexion). Après cette ultime cérémonie, la dépouille est soulevée et transportée vers la tombe fraîchement creusée pour y être ensevelie.
- "Agraw al ghachi!" par cet appel, l’Amine annonce la fin de la cérémonie d’enterrement et invite toute l’assistance à former un grand cercle autour de l’Imam pour l’écouter réciter la dernière prière. A la fin de la Fatiha, les gens sont libérés et chacun en quittant le cimetière, prononce avec humilité cette sentence de foi :
- "Dayem Rebbi!" (Eternité à Dieu)
Le lendemain, une cérémonie propre à la Kabylie, est organisée par la famille du défunt. Dès le matin, la famille se rend auprès de la tombe où elle donne à manger à tous les passants: de la viande aux œufs, des beignets et d’autres victuailles. Au quarantième jour du décès, on procède au réaménagement et à la construction de la tombe et une cérémonie presque identique à celle du décès est organisée. (Dans la croyance kabyle, c’est au quarantième jour de son décès que le défunt rentre définitivement dans le royaume des morts).
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Source: " Quelques Us et Coutumes de Kabylie". Recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND, Béjaia, Octobre 2011.
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12:56 Publié dans Us et coutumes de kabylie | Lien permanent | Commentaires (0)
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