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28/01/2024

Organisation de la famille kabyle

La famille kabyle type compte généralement le père, la mère, les garçons et leurs épouses, les filles et les petits enfants.

1. Répartition des tâches entre les membres de la famille :

  • Affaires extérieures : le père
  • Affaires domestiques : la mère
  • Travail et pourvoi en argent : les fils
  • Travaux des champs : les brus et les fils
  • Travaux domestiques : les brus
  • Apprenties /stagiaires en attendant leur mariage : les filles
  • Bergers : les petits enfants

 2. Fonctions dévolues à chaque membre de la famille

a. Le père : Le père est le chef suprême de la famille. Il en est le gardien, le guide. Tous les membres de la famille lui doivent respect et obéissance. Rien ne peut se faire sans son consentement. C’est lui qui détient le portefeuille et contrôle les dépenses de la famille. À l’extérieur, il est l’interlocuteur. Sa place à la djemâa prime sur celles de ses enfants. Lorsque le père pénètre dans la djemâa ses enfants par respect la quittent immédiatement. Sauf dans les grandes réunions du quartier « Adhroum » ou du village où leur présence est obligatoire, vu leur statut d’adultes, mais en aucune façon ils ne doivent donner un avis différent ou contraire à celui de leur père. C’est le père qui décide du mariage des filles et des fils et le plus souvent l’alliance stratégique prime sur le choix des enfants. Chez le kabyle, la notion de mariage par amour est inexistante.

b. La Mère (Thamgharth) : La maison kabyle est gérée par la mère (thamgharth). Lui sont dévolues les fonctions d’intendante, d’économe, d’arbitre et quelque fois même de sage-femme. Elle doit veiller au maintien de la bonne entente entre ses fils, ses brus, ses filles et ses nombreux petits enfants. Son souci d’équité est constant. Si le père (amghar) s’occupe principalement des affaires extérieures, la mère (thamgharth) elle, est maitresse incontestée de la maison, comme le père, rien ne peut se faire sans son avis. Elle veille à la bonne utilisation du temps et répartit judicieusement les tâches ménagères entre ses brus. Aucune d’elle ne doit être lésée ou favorisée par rapport aux autres. Chaque matin la mère donne à la bru dont c’est le tour de faire la cuisine, la ration journalière de semoule de blé ou d’orge et tous les ingrédients nécessaires à la préparation du couscous (ration de sel, d’huile, de légumes secs) Les quantités remises doivent suffire à nourrir tous les membres de la famille pour les repas de midi et du soir. Aucun gaspillage n’est toléré. Quand il y’a un repas amélioré – une fois par semaine pour les plus aisés, soit le jour de marché – la mère compte les morceaux de viande avant la cuisson et les introduit elle-même en présence de sa bru dans la grosse marmite en terre cuite. Le soir au moment du repas, c’est elle, toujours en présence de sa bru, qui retire les morceaux de viande cuits de la marmite et qui les distribue aux membres de la famille. Le morceau le plus tendre est bien sûr réservé au père (amghar). Pendant les repas, les hommes mangent les premiers et les meilleures parts leur sont naturellement octroyées. Si les hommes, rassasiés, n’ont pas fini le repas qui leur est servi, les femmes commencent d’abord par manger le couscous laissé par leurs maris avant que la mère ne les serve de nouveau. Les filles tant qu’elles ne sont pas mariées doivent obéissance à leur mère et respect à leurs belles sœurs. Elles sont en « apprentissage » et doivent être aptes à assumer leurs rôles quand elles rentreront chez autrui « Akham-meddene » c'est-à-dire quand elles rejoindront le foyer de leurs futurs maris et beaux-parents. Les brus sont tenues, elles, d’initier leurs belles sœurs à tous les travaux domestiques ainsi que la cuisine sous l’œil vigilant de la mère. La préparation du couscous, de la galette et des autres plats kabyles ne doit avoir aucun secret pour elles. La jeune fille kabyle qui ne sait pas rouler le couscous, pétrir et cuir la galette ne peut prétendre au mariage.

Dès qu’elle atteint sa puberté, la jeune fille kabyle est cloîtrée à la maison. Il lui est interdit de   mettre le nez dehors sans être accompagnée. Si elle était surprise à regarder par la fenêtre ou par les interstices de la porte d’entrée (chqayeq), elle serait sévèrement punie (1) Sa mère lui accorde quelque fois le privilège de participer à la corvée de l’eau en allant en compagnie de ses belles sœurs et des autres femmes du quartier remplir sa cruche à la fontaine publique et le quartier libre tout relatif ne lui est donné que lors des deux fêtes de l’Aïd.

 Si une jeune fille kabyle était surprise dehors toute seule, elle risquerait une punition qui peut aller jusqu’à la mort. On ne badine pas avec l’honneur en Kabylie.

  • Anecdote

Une fois, un kabyle invita un de ses amis chez lui et, en lui faisant le tour du propriétaire, il lui dit : « Alors qu’en dis-tu ? Ma maison te plaît ? » « Oui cher ami, ta maison me plaît, mais une de tes fenêtres, si elle est souvent encombrée comme elle l’est aujourd’hui, il ne doit pas y avoir beaucoup de lumière à l’intérieur !». Visiblement confus, le maître des lieux comprit à quoi son invité faisait allusion. Une fois son ami parti, l’homme entra dans une colère noire et interpella sa femme : « C’était ta fille qui était tout à l’heure à la fenêtre ou toi ? Allez ! Parle ! Je vais vous massacrer toutes les deux ! Mon ami par une métaphore, m’a humilié en me disant qu’une de mes fenêtres était obstruée ! Tu as compris ce que cela voulait dire ? » Sa femme terrorisée protégea sa fille en reportant la faute sur elle et eut droit à une raclée mémorable.

c. Les brus : Dans la famille type, nous avons dit qu’il y a quatre brus. Le travail entre elles se répartit ainsi :

Deux brus s’occupent du travail intérieur : soit la cuisine, la vaisselle, nettoyer l’écurie balayer la cour, veiller à la bonne tenue de la maison en général sous l’œil attentif de la mère.

Les deux autres brus accompagnées de leurs maris vont au champ pour la corvée de bois, chercher du foin pour nourrir les animaux, cueillir les fruits de saison (cerises, figues …) sachant que les arbres (cerisiers, figuiers) dont les fruits sont réservés à la consommation de la famille ont été désignés à l’avance par le père (Amghar) les autres fruits dont la qualité est supérieure sont destinés à la vente et feront l’objet d’une cueillette collective avec  la participation de toute la famille.

Les tâches domestiques sont faites par intermittence entre les quatre belles filles avec l’aide bienveillante des belles sœurs. La corvée de l’eau est collective. Sauf celle désignée à la cuisine, les autres femmes de la famille vont avec une joie visible à la fontaine. Il faut dire que la fontaine pour la femme kabyle est un lieu de détente privilégié. C’est là qu’elles se rencontrent, palabrent, s’échangent les nouvelles, s’amusent, et bien sûr se taquinent. Le moment d’aller à la fontaine, la jarre ou le bidon souvent de plus de vingt litres sur le dos ou sur la tête est attendu avec impatience par toutes les femmes du village. A la fontaine, les hommes n’y ont pas accès, c’est le domaine exclusif des femmes. Les jeunes filles vont en procession à la fontaine en compagnie de femmes plus âgées. Quand elles traversent la djemaa pleine à craquer, les jeunes hommes qui s’y trouvent comme par miracle profitent pour choisir discrètement leur future. Le choix du jeune homme est très souvent rebuté par les parents et il est tenu de se soumettre à leur volonté sous peine de représailles qui peuvent aller jusqu’au reniement.

Pour pourvoir la famille en moyens financiers, les kabyles quittent leurs villages et émigrent soit vers la France soit vers d’autres régions d’Algérie. En Algérie, on les retrouve partout et exercent le plus souvent dans le commerce – épicerie- mercerie et tissus sont leurs spécialités. C’est dans leurs échoppes même qu’ils cuisinent et qu’ils dorment. Économiser le moindre sou est leur devise. Nos quatre frères de la famille type possèdent un magasin dans le Sud du pays et y vont travailler deux à deux à tour de rôle pour une durée de six mois, laissant aux bons soins des parents (Amghar et Thamgharth) femmes et enfants. Pendant que deux des quatre frères vont émigrer pour gagner de l’argent, les deux autres sont au village et ne restent pas les bras croisés. Ils doivent en effet s’occuper des travaux des champs (labour, moisson, greffage, cueillette …) les travaux à effectuer dépendent de la période durant laquelle ils sont « au repos » au village. Je dis bien « au repos » car le kabyle qui regagne son village même après une année de fonderie ou de mine au Nord de la France se considère en vacances et les menus travaux qu’il effectue (labourage, abattage d’arbres pour le bois de chauffage, diverses réfections dans la maison…etc.) sont pour lui des passe-temps. Il est hors de question pour un kabyle de rester oisif. Ce n’est pas dans ses mœurs.

____________________________________________________________________________________Source: "Quelques Us et Coutumes de Kabylie". Recueil non publié de Youcef AIT-MOHAND, Béjaia. Octobre 2011.

20:25 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)