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14/09/2025

Mohya : la voix universelle de la Kabylie

Mohia.jpgMohya, de son vrai nom Abdellah Mohia (ou Muhya, Muhend u Yehya), est l’un des plus grands écrivains et dramaturges kabyles contemporains. Né le 1er novembre 1950 au village Ath-Eurvah, Commune Ath-Vudrar, daiara Ath-Yenni, il a consacré toute sa vie à la poésie, au théâtre et à la défense de la langue berbère, avant de s’éteindre à Paris en 2004.

Un parcours singulier

Issu d’une famille originaire d’Ath-Eurvah, dans la commune d'Ath-Vudrar (Ibourarène), Mohya grandit entre Azazga et Tizi-Ouzou. Élève brillant, il décroche son bac en 1968 et poursuit des études supérieures en mathématiques à Alger, puis en France. Mais au lieu d’embrasser une carrière scientifique, il choisit de mettre son énergie et son intelligence au service de sa culture et de sa langue.

Installé à Paris dans les années 1970, il rejoint le Groupe d’Études Berbères de l’Université Paris VIII et anime les revues Bulletin d’Études Berbères et Tisuraf. Il fonde plus tard la troupe Asalu, qui deviendra un véritable atelier de traduction et d’adaptation théâtrale.

Poète de la revendication

C’est dès sa jeunesse que Mohya se fait remarquer comme poète. En 1970, lors d’une excursion avec Mouloud Mammeri, il lit son poème Ayen bγiγ (Ce que je veux), aussitôt salué par son maître. Le texte sera popularisé par le groupe Imazighen Imoula sous le titre Ayen riγ.

D’autres poèmes, comme Tahya Barzidan (Vive le président !) ou Ammarezg-nneγ ! (Ô, notre bonheur !), connaîtront une large diffusion grâce à des chanteurs tels que Ferhat, Takfarinas, Malika Domrane, Idir ou encore Slimane Chabi. Dans une société où l’oralité est essentielle, ses vers deviennent des hymnes de la revendication identitaire.

Conteur et nouvelliste

Mohya s’illustre également par ses contes et nouvelles, souvent diffusés sous forme de cassettes audio dans les années 1980 et 1990. Avec humour et sens critique, il réinvente les récits populaires : Tamacahut n Iqannan (l’histoire des nains), Tamacahut n ileγman (l’histoire des chameaux), Wwet ! (Frappe donc !)… Une dizaine d’autres restent inédites, témoignant de l’abondance de son œuvre.

Le théâtre : l’universel en kabyle

C’est sans doute dans le théâtre que Mohya laisse son empreinte la plus forte. Avec sa troupe Asalu, il traduit et adapte plus d’une vingtaine de pièces venues du patrimoine mondial : Molière, Beckett, Pirandello, Brecht, Brassens, Mrożek

Fondateur du théâtre d’expression kabyle, Mohya adapte et traduit les plus grands classiques :

  • En attendant Godot de Samuel Beckett,

  • Tartuffe de Molière,

  • La Jarre de Luigi Pirandello,

  • Les Émigrés de Sławomir Mrożek.

Ses adaptations ne sont pas de simples traductions littérales : elles enracinent les classiques universels dans la culture kabyle, leur donnant une nouvelle vie, drôle, profonde et accessible.

« Si l'on veut être compris de la majorité, on ne peut que s'exprimer dans nos langues vernaculaires, c'est-à-dire le berbère ou l'arabe. »Mohya

Un héritage toujours vivant

Poète, conteur, pédagogue et traducteur, Mohya a su montrer que la langue amazighe pouvait exprimer l’humour, la critique sociale et la philosophie universelle. Il laisse derrière lui des poèmes chantés, des pièces jouées, des contes racontés et surtout une conviction : défendre une langue, c’est défendre une mémoire collective et une vision du monde.

Redécouvrir Mohya aujourd’hui

Revenir à Mohya, c’est plus qu’un hommage : c’est un geste de résistance culturelle. Ses textes, ses enregistrements et ses traductions nous rappellent que chaque langue, même minoritaire, a la puissance de dire l’universel.

Alors, si vous tombez un jour sur une cassette, un texte ou une citation de Mohya, prenez le temps de l’écouter. Vous y trouverez l’écho d’une Kabylie fière et vivante, et la voix intemporelle d’un homme qui a fait de sa langue une scène ouverte au monde.

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